Si vous n’avez pas lu l’article précèdent Saintes, partie 1, je vous invite à le faire avant de commencer la lecture de cette seconde partie.
Comme une sensation de déjà vu.
Marie
En Décembre 2015, à l’approche de Noël, je me suis lancée dans la réalisation du portrait de Sainte Marie. L’appel venait du cœur, le cœur d’une mère qui souffre, le cœur d’une femme en deuil. Marie devait être d’une beauté aussi pâle qu’une statue de porcelaine, figée dans sa douleur.
Marie, fille de Judée, est la mère de Jésus de Nazareth. Les églises catholiques et orthodoxes lui accordent une place essentielle qu’elles appellent Marie de Nazareth, Sainte Vierge, Notre Dame, ou mère de Dieu.
La mère avant la Sainte : à L’annonciation, l’archange Gabriel lui apparut pour lui annoncer sa maternité divine. Dès lors son destin fut scellé, elle deviendra la mère qui verra son enfant sacrifié. J’ai représenté cette scène dans ma première photographie intitulée “l’annonciation” où on voit Marie qui porte son cœur que j’ai délicatement rattaché à des pétales de roses rouges pour représenter du sang qui coule. Sept poignards le transpercent et représentent les 7 douleurs de Marie (voir la signification). Derrière elle se trouve Gabriel dont j’ai pris la liberté de lui faire porter du noir en signe de deuil, mais également comme symbole, faisant de l’archange l’annonciateur de la mort. Sur la deuxième photo “les sept douleurs” la sainte est allongée sur une croix rouge, emblème qui, en y réfléchissant, est celui de ceux qui soignent les blessés et les protègent. Marie y est associée, c’est la mère universelle, la soigneuse. Ainsi, de par son chagrin, Marie cristallise le plus grand des respects.
Pourquoi me suis-je pris de passion pour Marie et son histoire ? La réponse la plus évidente est qu’elle me rappelle mon propre deuil. J’avais déjà exprimé dans mon projet Fantasmagorie, la douleur d’un futur avorté (voir dans l’article Fantasmagorie partie 2) sous l’aspect d’une mère. Le message n’était pas assez clair et à travers la tristesse de la mère de Jésus, je devais y retrouver ma propre tristesse.
Marie Madeleine
En Février 2016, alors que nous étions en plein milieu de l’hiver, j’ai rallumé la flamme de Marie Madeleine.
Maria-Magdalena est selon les Evangiles une disciple de Jésus qui le suivit jusqu’à ses derniers jours. Les quatre Evangiles la désignent comme le premier témoin de la Résurrection et qui est chargé d’en prévenir les apôtres. Pourtant, l’Eglise de Rome considéra à partir de Grégoire 1er au 6ème siècle que Marie de Magdala ne faisait qu’une avec Marie de Béthanie ainsi qu’avec la pécheresse qui oint le Christ de parfum, la considérant ainsi comme une fille de mauvaise vie.
C’est à Ophélie que j’ai proposé d’emprunter le visage de Marie-Madeleine pour mon projet. Ophélie a quelque chose dans ses traits et dans sa lumière qui me donnent l’impression de voir une peinture dans un style classique ou iconographique. Une fois mon modèle trouvé, je n’avais plus qu’à me connecter à mes sensations en me mettant dans la peau de cette femme. Très vite j’ai compris ce que je voulais exprimer puisque cela faisait écho à mes propres blessures que je cherchais à cicatriser.
Ce n’est qu’aujourd’hui en vous écrivant, que je réalise que je souhaitais rendre hommage à ma blessure que j’avais soigné grâce à Aranéisme, soit ma blessure du rejet (voir article le soigneur et Aranéisme partie1).
Marie Madeleine porte la couleur du péché, le rouge. Ses cheveux sont roux, sa peau est laiteuse et son regard ne croise nul autre.
Dans la première photographie intitulée “le châtiment de la passion” Marie Madeleine est contrainte à la punition. Allongée au sol, les yeux fermés, elle tient dans sa main un crucifix blanc à l’envers qu’elle pointe vers son pubis tandis que de son autre main elle désigne un second crucifix identique au premier mais à l’endroit et qui est placé plus haut dans la composition. Plusieurs autres croix l’entourent dont certaines sont en flamme. Enfin, détail qui a son importance, les cuisses de Marie Madeleine sont marquées par des coups de fouet. La photo porte donc bien son nom. Tout la désigne comme étant une impure, une femme légère et indigne de son seigneur Jésus, aux yeux de l’Eglise d’il y a plusieurs siècles, qu’il faut punir.
Les photographies “Absolution” (voir la photo qui illustre cet article) et “le rideau de feu ”désignent le passage inévitable vers la purification par le feu. Le feu est un élément qui a une place importante dans mon esprit. Il peut faire peur car il détruit vite d’une façon théâtrale et dramatique mais c’est pourtant l’initiateur du renouveau et de la transformation. Dans “Absolution” la Sainte marche vers la droite de la photo (le futur) alors qu’elle tient dans ses mains un crâne, et tandis qu’elle emporte avec elle le symbole du temps qui passe, elle laisse le feu lécher ses traces. La robe rouge de ma modèle semble se libérer dans le vent ce qui donne une impression d’ailes comme celles d’un Phoenix. Puis dans “Le rideau de feu” qui deviendra l’affiche de mon exposition en 2016, Marie Madeleine se tient face à nous devant un brasier.
Elle tient contre son cœur la couronne d’épine de Jésus comme un dernier souhait avant de brûler l’image qu’on lui a injustement attribuée.
Pour finir, c’est à travers la photographie “le baptême” qu’elle peut enfin renaître et trouver amour, protection et bénédiction. On distingue sur l’image que la robe rouge est en train de la quitter pour dévoiler son dos nu. Bien qu’elle ne porte plus le crâne, celui-ci se trouve derrière elle, relié par le voile rouge de sa robe. Alors, en retirant celle-ci, elle pourra se défaire de la blessure qu’elle a si longtemps et lourdement portée.
Ainsi, c’est à travers les deux Marie que j’ai souhaité rendre hommage à mes anciennes blessures. L’une caresse ma phase de tristesse exprimée dans Fantasmagorie (Marie), l’autre purifie la colère que j’ai manifestée dans Aranéisme (Marie-Madeleine).
Si je devais leur donner la parole, je pense qu’elles me diraient “Regarde ce que tu as guéries, regarde le chemin parcouru. Prends conscience et libère toi”.
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