La mort de soi

La mort de soi

Je crois que tant que nous vivons, nous mourrons. Mourir à soi, puis renaître et ce un grand nombre de fois.  J’ai mis des années à le comprendre et pour tout vous dire, je l’ai compris que récemment. Cela me semble être une évidence que pourtant, nous avons du mal à reconnaître. Moi aussi je n’ai fait que suivre le mouvement sans me poser les bonnes questions. Je dis bien les bonnes, car en vérité, pour ce qui est des questions, j’en ai toujours eu un paquet en tête : Comment être productif ? Comment rentabiliser mon temps ? Pourquoi est-ce que j’ai l’impression de ne pas y arriver ? Et dans 10 ans où est-ce que j’en serai ? Etc. Je me suis jugée, critiquée, j’ai comparé et je crois qu’au fond, je me suis surtout cherchée.

Pendant 10 ans j’ai joué le rôle que j’étais fière d’incarner, celui de la photographe.

Et je m’y suis agrippée comme si ma vie en dépendait, comme si je ne pouvais être une autre personne, une autre identité. À vrai dire, j’ai toujours considéré que le métier que je voulais faire devait naître d’une passion, puisque c’est ainsi que je veux vivre ma vie  : Avec passion. Je veux ressentir, je veux vibrer et le partager parce que c’est trop puissant pour être comprimé. Dès l’enfance, la passion m’a habité, à commencer par le dessin et la peinture, puis la photographie et depuis quelques années, l’écriture. Je ne peux m’imaginer mettre mon énergie dans ce qui n’a pas de sens pour moi, même pour gagner de l’argent et payer mes factures. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ose dire que je vis à la bohème, comme pour donner du crédit à l’image romantique du photographe. 

J’ai alors pris la phrase “je suis photographe” comme étant “la photographie c’est moi.”

Et jamais je n’avais imaginé vivre un jour ce qui m’est tombé dessus il y a quelques mois et que j’ai mis du temps à réaliser : La photographie me quitte.

Elle me remercie et moi et je peine à l’accepter. Comment puis-je laisser partir mon identité ? Qui suis-je sans elle ? Au début, je pensais qu’il s’agissait de mon métier et bien que cela ne m’arrangeait pas, je continuais de croire que je souhaitais toujours transmettre mon énergie par le biais de projets photographiques. Je fonctionnais ainsi depuis des années ! Sauf que non, c’est bien plus profond que ça. C’était évident, sous mes yeux, mais je ne le voyais pas. La photographe était aveugle. Mon dernier projet photographique sous forme de mise en scène, date de 2019, il s’agit du 3eme shooting de ma série “Anges”. Depuis, je me concentrais sur les commandes de mes clients et les portraits de modèles de temps en temps, lorsque j’avais l’inspiration. Pour moi ce n’était pas grave, au contraire, je ne me mettais plus la pression puisque j’avais tendance à le faire par le passé, toujours dans le but de faire mieux et de surprendre. J’avais fait la paix avec moi même et jouissais d’une liberté dont je pouvais enfin profiter sans culpabiliser. Pourtant, combien de fois on m’a demandé “tu vas bientôt refaire une exposition ?” ou “tu travailles sur un nouveau projet photographique ?” systématiquement je répondais par la négative et systématiquement je remarquais la surprise dans les yeux de mon interlocuteur. Peut-être interprétais-je mal cette réaction qui tenait sûrement d’un simple étonnement tandis que moi qui me jugeais, je pensais décevoir. 

Mais c’est ainsi, la photographie ne prend plus autant de place dans mon cœur. Et une question s’est aussitôt imposée à moi : Et après, je fais quoi ? 

J’avais peur. Non, j’ai peur. Car c’est encore présent en moi. Je suis toujours en train de me poser cette question, même si j’ai bien avancé et que je m’approche, non pas d’une, mais de plusieurs réponses. J’ai paniqué à l’idée de ne pas trouver par quoi remplacer mon activité, même si je me laisse quelques années. J’ai dépensé beaucoup d’énergie à chercher, à me retrouver dans autre chose, un autre métier, une autre incarnation, avant de comprendre qu’avant toute chose, je devais faire mon propre deuil. Et ça tombe bien, le deuil je connais. Je connais ses différentes phases : le déni, la colère, la négociation, la tristesse, jusqu’à l’acceptation et enfin, la reconstruction. 

Aujourd’hui je suis en phase de reconstruction et je le fais dans chaque mot que j’étale ici. 

Ce n’est pas moi Marion, qui suis morte, mais bel et bien cette part de moi, ce gros morceau qui m’a aidé à m’accrocher à la vie, cet outil que j’ai utilisé pour me soigner après la disparition de Clément (explications dans les prochains articles de la catégorie art thérapie). 

Je n’ai qu’à laisser le vent l’emporter, je sais qu’il en prendra soin. Il me faut maintenant trouver qui suis-je, non pas à présent, mais réellement. C’est le travail que j’ai décidé d’entreprendre avec courage et sincérité tout en acceptant les erreurs d’interprétations. Je sais qu’au bout du tunnel se trouve la lumière. Je la vois déjà au loin qui m’éclaire et j’avance doucement vers sa direction. Le chemin est long, le passage difficile et quelques fois je suis forcée de m’arrêter pour me reposer, mais ce qui est certain c’est que je ne ferai jamais demi-tour. 

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4 réponses

  1. Arf je connais ça ^^ la photo m’a quittée aussi. Tout du moins, sous la forme que j’utilisais. Et c’est vrai que les gens ne comprennent pas ^^ la plupart me disent :  » han… mais ne t’en fais pas, ça va revenir » … Le truc c’est que je ne m’en fais pas et non, ça ne va pas revenir Mouahahaha !! Ce n’est pas la première fois qu’une passion me quitte donc je connais le processus et mon ressenti ; mais c’est vrai que les gens le voient comme une part de ton ADN. Quoi qu’il en soit, tu communiques toujours merveilleusement avec les images autant que par les mots donc ça demeure une part de toi malgré tout. C’est juste que la forme se transforme

    1. Merci pour ton commentaire. Je crois que cela dépend de la raison pour laquelle tu te sens bien avec un outil artistique, ainsi que ton intention, ta démarche. Dans mon cas comme expliqué dans le texte,
      cela a été vital pour moi car il m’aidait à extraire tout ce qui restait coincé en moi d’une façon inconsciente. C’est donc une pratique dans un but cathartique. Mais lorsque cela a été traité et puisque nous évoluons,
      c’est normal que nos besoins changent aussi. Pourtant aujourd’hui je m’aperçois que rien n’est totalement terminé avec la photographie. Seule mon intention a changé, l’outil lui, reste présent dans ma vie.

  2. Tu as fais un excellent travail avec ce blog, c’est doux à lire, c’est authentique, j’ai hâte de découvrir la suite de ton cheminement.
    TMTC 2022 est aussi une année charnière pour moi, donc ce que tu dis là, de se sentir jugée, de décevoir l’autre, et d’abandonner une part de soi, professionnelle, même si ça n’est qu’une casquette comme une autre !

    1. Merci beaucoup Perrine ça me fait très plaisir 🧡 je te soutiens dans cette année difficile, faut essayer de garder confiance même si ce n’est pas facile,le bout du tunnel arrive.

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