Le passage partie 6 : Perdue dans le temps

Le passage partie 6 : Perdue dans le temps

Avant de commencer la lecture de ce texte, je vous invite à lire les précédentes partie de cette longue transformation si ce n’est pas fait : Le passage partie 1 2 3 4 et 5

Comme je ne cesse de le répéter, la vie est une expérience et donc, un apprentissage. Chaque épreuve, bien que difficile, nous pousse à évoluer. Bien entendu, il faut un certain temps avant d’en prendre conscience, il nous faut d’abord affronter les émotions qui découlent de cette leçon en espérant que celle-ci ne soit pas trop pénible pour ne pas retarder le processus. Toutefois, l’horloge n’a pas de valeur quant à l’évolution de soi. Il n’y a pas de course après le temps, pas de retard. Tout est juste, tout a un sens. 

C’est plutôt ironique qu’aujourd’hui j’affirme cela, alors que durant des années j’ai tenté de capturer le temps et figer mes émotions. En vérité, j’utilisais la photographie pour me soigner, c’était mon antidépresseur. J’ai bel et bien capturé le temps et figuré mes états d’âme comme pour m’assurer qu’elles étaient à moi et bien vivantes, alors qu’en vérité, toutes les émotions ne font que passer et doivent en être ainsi. Les figer servent uniquement à se souvenir, se souvenir de ce par quoi nous sommes passés.  

J’aurais dû le comprendre bien plus tôt, mais ce n’est pas ce qui est arrivé. La photographie me complaisait, jusqu’à ce qu’elle termine sa guérison en 2019.  Ce n’est qu’en l’année 2022 que j’ai véritablement pris conscience qu’il était temps que je m’en défasse. 

Me l’avouer a été difficile. J’ai d’abord ressenti une lassitude dans mon travail, puisque la photographie était à la fois une activité artistique mais aussi professionnelle. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que je ne désirais plus en faire mon métier, nettement plus pour réaliser qu’il s’agissait de la photographie dans sa globalité. 

Comment pouvais-je me faire ça ? Je m’étais battu pour développer mon activité, acharnée dans mes projets artistiques, tout ça pour ne plus avoir envie de continuer ? Tourner la page ? Certes on pourrait y déceler une simple fatigue, un moment d’égarement, tandis que je faisais face à un bouleversement dans ma vie. Il n’y a pas longtemps je discutais avec une collègue qui justement, m’expliquait combien de fois elle a assisté à des ras le bol de photographes qui déclarent ne plus vouloir continuer, pour revenir quelques mois après la queue entre les jambes. Mais il ne s’agit pas d’un moment d’égarement ni de crise ponctuelle. 

Cette prise de conscience est une vérité qu’aujourd’hui j’accepte.

J’accepte que rien n’est figé, je ne vis plus dans le passé. Mon heure est là, je peux changer mon histoire, la faire grandir, lui donner de la profondeur. 

L’hiver 2022 j’ai compris que je devais préparer la suite, à tel point que je m’étais mise en tête de trouver ma nouvelle voie et le plus rapidement possible (toujours dans cette course après le temps). Je parle ici au passé, bien que cette reconversion soit toujours d’actualité. Ce qui n’est plus en revanche, c’est cette angoisse que j’ai traîné durant des mois et qui m’a profondément fatigué. Cette angoisse tirait de cette question restée longtemps sans réponse : “qui suis-je si je ne suis pas photographe ?”. Il me fallait creuser plus en profondeur pour voir qui se cachait derrière cette étiquette. Certes, j’avais déjà quelques réponses grâce au travail introspectif que je menais et qui m’a notamment permis de percevoir une voie. 

Alors je suis allée dans une direction, mais ce n’était pas la bonne ou du moins, pas entièrement. 

Vouloir absolument quelque chose, se projeter vers un désir inassouvi nous déconnecte du présent. Alors le temps nous semble lent, tandis que nous ne remarquons pas qu’il nous échappe. C’est ce qui m’est arrivé. J’ai oublié d’être ici et dans le présent. J’ai oublié de lâcher prise, vivre ma vie et faire confiance à l’univers. J’ai passé tout mon temps à me dire “je dois” “il faut” “j’espère” “vite” teinté de “pourquoi ?” “j’en ai marre” “je suis fatiguée”…

Je ne comprenais pas pourquoi je ne me retrouvais pas chez les autres, pourquoi un domaine me plaisait mais pas au point de me l’approprier, car oui, c’est ainsi que je vois les choses puisque je suis une passionnée. 

Plus les mois passaient, et plus je m’enfonçais à mesure que je cherchais cette voie. J’ai oublié de vivre simplement parce que j’ai donné tout mon pouvoir à mes peurs. Pourtant je le savais, je ne faisais que marcher dans ce tunnel, ce passage. Inévitablement, j’en sortirai un jour, fallait-il seulement que j’accepte de ne rien contrôler.

En Juin 2022, j’ai perdu ce contrôle et expérimenté ce qu’on nomme “la nuit noire de l’âme”. Je suis descendue dans mes ténèbres pour y trouver ma propre lumière. 

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